Conscience et loyauté républicaine

Le tribunal correctionnel de Marseille a rendu son jugement le 29 septembre dernier au sujet du refus de « célébration » d’un « mariage » entre personnes du même sexe (deux femmes) par madame Sabrina Hout, alors adjointe au maire PS du VIIIème arrondissement de Marseille. Elle était également accusée de faux et d’usage de faux en écriture publique. En effet, afin d’éviter de prêter son concours à ce pseudo mariage, elle avait laissé officier un conseiller d’arrondissement, non habilité, disposé le chevalet avec le nom d’un autre élu non présent et falsifié le registre de mariage.

Sabrina Hout a été condamnée à 5 mois de prison avec sursis et elle devra également verser 150 euros de dommages et intérêts aux associations SOS Homophobie et Mousse, ainsi que 1 200 euros à chacune des deux femmes en réparation de leur préjudice moral.

Il s’agit de la première affaire, et donc de la première condamnation, concernant un élu, à la suite de la promulgation de la « loi » de mai 2013, dite du « mariage pour tous ». Sabrina Hout avait dans un premier temps expliqué son geste par ses convictions musulmanes. Lors du procès, la défense semble avoir fait profil bas, l’accusée se confondant en excuses (« J’ai honte d’avoir fait ce que j’ai fait, si ça été interprété comme de l’homophobie »), et expliquant son geste par le caractère nouveau de ce type d’union, sans insister sur la revendication d’un droit à l’objection au profit des élus municipaux, envoyée aux oubliettes !

La motivation de la décision du juge est du plus grand intérêt, puisqu’il affirme qu’ « il est impératif qu’aucun citoyen, quels que soient notamment son âge, son handicap, sa race, ses opinions politiques et naturellement son orientation ou identité sexuelle n’ait à douter de la neutralité du service public et de la loyauté républicaine des élus et des fonctionnaires ».

A la neutralité du service public s’ajoute donc dorénavant la loyauté républicaine. Cette dernière ne concerne pas les seuls fonctionnaires, mais également les élus, précision qui vise ici le dédoublement fonctionnel qui caractérise les statuts de maire et d’adjoint au maire. Qu’est-ce alors que la loyauté républicaine ? Faut-il entendre par là que l’on demande aux agents publics d’être de pures mécaniques exécutantes sans conscience ? Faut-il comprendre par là qu’un serment de loyauté sera bientôt demandé aux fonctionnaires et même aux élus ? D’où la république tire t’elle sa légitimité pour exiger la loyauté lorsqu’elle modifie une institution naturelle fondatrice de la société elle-même ?

Avant de demander la loyauté des citoyens (ou des sujets ?), la république pourrait commencer par faire acte de loyauté à l’égard de ses élus, en respectant par exemple l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 ou l’alinéa 5 du préambule de la constitution de 1946 (« Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances »).

Loin de nous l’idée d’atténuer l’importance centrale de l’obéissance à la loi, indispensable au bon fonctionnement des institutions, quel que soit le régime politique. Nous portons plutôt l’attention sur la nature de la loi, sur les raisons de son autorité qui ne découlent pas de la seule légalité de l’action du législateur. Lorsqu’une loi sort de son domaine de compétence (le bien commun de la cité) pour prétendre modifier la nature de l’homme et le cadre familial au sein duquel s’épanouissent les futurs citoyens, c’est justement à ce moment-là que la voix de la conscience de chaque agent doit pleinement s’exprimer. La décision du tribunal nous dit l’inverse. La loyauté résulte du pouvoir sans limite que s’attribue la république.

 

Joël Hautebert

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Publié dans : Edito