Loi sur la fin de vie : quels enjeux ?

Pendant sa campagne électorale en 2012, le président de la République François Hollande a proposé que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. ».

Quand il s’agit de porter atteinte à la vie et aux institutions structurantes comme la famille, les promesses sont toujours tenues, quel que soit l’initiative de la loi (gouvernement ou députés).

Après le rapport de M. Sicard en 2012 et celui des députés Alain Claeys et Jean Leonetti remis le 12 décembre 2014, une proposition de loi va être débattue à l’Assemblée à partir du 10 mars 2015. Cette loi propose deux modifications importantes à la loi Léonetti de 2005 en vigueur :

  1. Un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès (article 3) :

« À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie, un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie est mis en œuvre ». Quel monument d’euphémisation !

– chez un malade conscient souffrant de symptômes réfractaires ;

– chez un malade incapable d’exprimer sa volonté en situation d’obstination déraisonnable.

  1. Un renforcement des directives anticipées* (article 8) :

 « Elles s’imposent au médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Si les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées, le médecin, pour se délier de l’obligation de les respecter, doit consulter au moins un confrère et motiver sa décision qui est inscrite dans le dossier médical. ». Précisons que les directives anticipées correspondent au souhait exprimé précédemment par écrit par le patient au sujet de sa fin de vie. Quelle est la liberté de médecin à l’égard de ce texte écrit ?

Quelques questions à propos de ce nouveau texte :

– Avec cette nouvelle forme de sédation (art. 3) associant antalgiques, sédatifs et arrêt d’hydratation (considérée alors comme un traitement et non un soin), on peut s’interroger sur l’intention de cet acte : soulager ou tuer ? Se poser la question, c’est déjà y répondre. En effet si l’hydratation et l’alimentation artificielles sont considérées par la loi comme des traitements, comment définir s’ils sont considérés comme de l’acharnement thérapeutique ? (cf : http://www.genethique.org/fr/proposition-claeys-leonetti-cette-loi-est-anticonstitutionnelle-62746.html#.VN8pzjh0zcs)

– Une sédation profonde associée à un arrêt de l’hydratation chez une personne malade provoque inévitablement le décès en l’accélérant. Les risques de dérives euthanasiques sont bien réels : l’offre crée la demande. Or en proposant ce type de protocole, on fait sentir aux personnes les plus vulnérables qu’elles sont de trop, qu’elles ont perdu leur dignité humaine… Et c’est la société que l’on ancre dans une logique de rentabilité de l’être humain.

– Au plan législatif, que devient le principe de non assistance à personne en danger ?

– Si les directives anticipées deviennent contraignantes (art. 8), la volonté du patient s’imposera alors au médecin. Qu’en est-il de l’objection de conscience du soignant face à une demande de « sédation terminale » ? (cf http://www.afc-france.org/societe/questions-de-societe/fin-de-vie/2158-le-rapport-leonetti-claeys-ouvre-t-il-une-porte-a-un-droit-a-mourir ). Rien n’est prévu. C’est normal puisque comment imaginer que cette aide à “mourir à la dignité” puisse souffrir contradiction. A-t-on même posé la question aux soignants ? Une fois encore, les mots employés ont toute leur importance : dès lors qu’est niée la réalité euthanasique d’une sédation terminale associée à un arrêt de l’hydratation, la clause de conscience du soignant n’a pas lieu d’être. C’est ainsi que ce point est exclu du projet de loi : médecins et soignants auraient dès lors pour devoir de respecter les choix du patient…

Le travestissement de la réalité de l’euthanasie n’est pas une nouveauté. Nous suggérons la lecture d’un très bon ouvrage récent de l’historien allemand Götz Aly (Les anormaux, Flammarion, 2014) sur l’assassinat par euthanasie de 200 000 personnes dans l’Allemagne hitlérienne. On parlait alors de mort miraculeuse, délivrance, aide à mourir ou interruption volontaire de vie…

Claire Bonneville

Publié dans : Edito, Médecins, Santé