Objection de conscience : moins d’idéologie et plus de bons sens. Le point de vue de R. Navarro Valls

Nous livrons ici le point de vue de Rafael Navvaro Valls, professeur, chercheur et co-auteur de Conflictos entre conciencia y ley.

«Avec le droit à l’objection de conscience, deux positions se font face : l’une qui le considère comme une sorte de «frénésie religieuse», une exception inadmissible à la loi qui devrait être limitée au maximum, l’autre qui le comprend comme un fruit du droit fondamental de la liberté de conscience, un véritable droit de l’homme.

Cette divergence explique la cohabitation entre ceux qui veulent voir ce droit respecté et ceux qui avertissent du danger de «totalitarisme de la conscience». On dénonce donc son ambivalence qui peut être un moyen de construire une vie sociale plus libre tout comme un élément de la désintégration des institutions de la vie collective  aboutissant à une sorte d’«apocalypse juridique».

Pour moi, avec tout le respect que je dois aux gens qui émettent ces idées, je pense que ces positions dépassent le raisonnable et relèvent de ce que je ose appeler la «sentimentalité dramatique ». Je rappelle que dans certains cas extrêmes en renonçant à imposer sa volonté à la majorité des minorités dissidentes, « une société démocratique témoigne pas de faiblesse mais de force » (Passerin d’Entreves).

Ainsi,  certaines clauses de conscience établies dans certaines lois semblent être le résultat de la «mauvaise conscience du pouvoir» qui se manifeste par un « remords juridique» salutaire de forcer un citoyen à aller contre leur conscience. Ainsi permettre à quelqu’un de ne pas passer des examens le samedi (parce que ses convictions relieuses lui interdisent) ne risque pas de produire une crise du système espagnol.

Chercher des alternatives raisonnables qui rendent compatibles les intérêts de l’entité qui rencontre opposition et les croyances religieuses de l’opposant ne semble pas si difficile quand on sait que, dans plusieurs universités espagnoles, il a été décidé dans des cas similaires ou en changeant la journée de test ou en examinant la personne affectée à un autre moment, en gardant toutes les garanties nécessaires.

Autrement dit, il s’agirait d’effectuer un «accommodement raisonnable des croyances de l’employé qui ne produit pas un contrainte excessive ».

Rafael Navarro Valls,

 

http://es.aleteia.org/2015/08/31/objecion-de-conciencia-menos-ideologia-y-mas-sentido-comun/

Notre commentaire : il s’agit ici de proposer un cadre de cohabitation des droits. Le souci est louable mais il occulte toutes les difficultés qui ressortent justement de l’idéologie. Les militants des nouveaux droits sont justement des militants et c’est là la difficulté : ils agissent sur le mode de l’offensive pour faire éclater certains verrous et banaliser certains comportements. Dans ce cadre, la possibilité d’une opposition qui ne permette pas le plein exercice de leur droit est un scandale qu’il faut bannir. En effet il accrédite l’idée que ce nouveau droit n’en est pas un, que dans certains cas on peut s’y opposer. Le droit n’étant pas total, on est dans le mode la tolérance large mais pas complète. Et c’est là que réside l’insupportable.  

Publié dans : Entretiens