Une sage-femme démissionne pour ne pas participer à un avortement

J’ai choisi de débuter mon exercice comme salariée dans une clinique. Lors de mon entretien d’embauche, je n’ai pas précisé mon refus de prendre part aux IVG et IMG. Dans cette clinique, comme dans beaucoup d’autres, il arrivait que des IVG médicamenteuses soient menées dans le service de maternité, tandis que les  IMG (interruption médicales de grossesses qui concernent les handicaps non viables et viables comme la trisomie 21) se déroulaient dans le bloc accouchement.

Il faut savoir que la prise en charge de ces actes est morcelée : dans un premier temps, la patiente prend un comprimé censé arrêter la grossesse, dans un deuxième temps a lieu l’ « évacuation du contenu utérin », par prise médicamenteuse, aspiration ou accouchement selon l’âge de la grossesse. Ce découpage en étapes distinctes facilite l’accomodation de la conscience en créant une sorte de zone grise, chacun pouvant se dire « c’est pas moi, c’est l’autre ».

Pour ma part, il m’était impossible de louvoyer pour éviter ces situations : c’était une petite maternité, donc j’étais seule au service, ou seule au bloc accouchement. Dans les premiers temps, je n’ai pas eu le courage de refuser frontalement de participer au 2ème temps des IVG/IMG : je me disais que le processus étant déjà lancé, ce n’était pas vraiment ma faute. De plus, ces situations étaient si peu fréquentes et le rythme si soutenu que je ne me suis jamais posée pour y réfléchir.

Mais suite à une fracture du poignet qui s’est soldée par un arrêt maladie de 5 semaines, ma conscience m’a rattrapée… Je ne me voyais pas négocier avec ma cadre de me dispenser de ces situations au détriment de mes collègues car malgré tous les beaux discours pro-choix, la réalité reste difficile à vivre pour tout le monde, et je ne voulais pas les « condamner » à faire le sale boulot à ma place. D’autre part, je ne voulais tout simplement plus être témoin de ces drames (on peut vivre des choses assez violentes).

J’ai donc décidé de quitter ce travail et j’ai demandé qu’on ne renouvelle pas mon contrat. Cette décision a été l’occasion de belles discussions avec mes collègues qui cherchaient à comprendre mon choix. Je me rappelle que mes parents ont eu beaucoup de mal à comprendre ma décision. J’ai choisi de me diriger vers le secteur libéral, après une période de remise en question de plusieurs mois (j’étais un peu sonnée…), et j’ai pu effectuer un remplacement long terme auprès d’une sage-femme qui ne pratiquait pas d’IVG médicamenteux à son cabinet.

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Publié dans : Santé, Témoignages