Je suis médecin et je travaille en centre de planification.
J’ai passé ma thèse de médecine sur le thème de la connaissance de la fertilité et de l’application de cette connaissance à la planification des naissances. Les événements de la vie m’ont amenée à ensuite développer une médecine de la restauration de la fertilité en réponse à une médecine de remplacement (Assistance Médicale à la Procréation ou APM, fécondation in vitro, par exemple). Ces deux choix conjugués (planification des naissances par la connaissance et médecine de la restauration) ont été étayés par une recherche personnelle anthropologique. J’ai suivi plusieurs masters en sciences humaines.
Un centre de planification a pour principale mission la prescription de la pilule sous toutes ses formes. C’est une activité médicale qu’il m’a fallu accepter pour pouvoir proposer la connaissance de la fertilité. J’ai donc prescrit la pilule. Lors de mon embauche le chef de service, a de suite compris ma demande de ne pas prescrire certains contraceptifs abortifs.
Au fur et mesure de mes différentes formations en sciences humaines et théologiques, et ébranlée par mes constatations sur le terrain, il m’est apparu clairement que la prescription de pilule n’était pas non plus un bon choix… pour les jeunes et pour moi même. En effet l’action de la pilule est de modifier le sens de l’union intime des époux, de dissocier le dialogue d’amour de la fécondité, de proposer de s’aimer en excluant la fertilité de l’un des deux.
Participer activement à la dissociation d’un lien fort contenu dans un geste si beau m’est alors apparu comme un acte mauvais qui me séparait de Dieu. En faisant cela je lui tournais le dos. Lors de mes recherches pour progresser dans ma réflexion j’ai inévitablement rencontré des personnes et des confrères qui partageaient mes idées et mon tourment. Certaines expériences m’ont interrogée voire édifiée : une collègue gynécologue qui décide non seulement de ne pas pratiquer des APM mais également de ne pas prescrire la pilule. ….Les exemples ne manquent pas. Mon tourment grandissait. Au fur et à mesure de ces rencontres qui me confortaient dans ma remise en cause de la prescription de la pilule.
Il me semble qu’en proposant une contraception aux jeunes mineures, nous ne leur rendons pas service pour leur vie affective future. Leur permettre de coucher entre eux les empêche de consolider en eux une réflexion de fond sur ce qu’ils ont engagé avec leur copain. Souvent leur déconvenue est source de grandes souffrances et de remord. De plus, c’est une mauvaise prévention des MST et des IVG. Il n’est pas vrai que la contraception diminue le nombre d’IVG chez les jeunes. Les pédagogies, comme celle de Teen Star, qui ont le courage de parler de chasteté, sont une bien meilleure approche au service des jeunes et de leur sexualité.
C’est alors que j’ai décidé d’aller voir mon patron. J’avais préparé mon coeur à cet entretien mais pas beaucoup mes arguments. Nous ne nous connaissions pas. Le centre n’est pas sa première préoccupation et, de plus, nous ne sommes pas sur le même site.
Mon souci, en préparant mon entretien, a été essentiellement de ne pas adopter une attitude qu’il pourrait prendre comme une leçon que je lui donnerais ou comme un reproche. J’ai fait attention à être particulièrement bienveillante à son égard. Je ne voulais pas lui donner l’impression de vouloir le convaincre du bien fondé de ma position. Tous les arguments que j’ai employés ne concernaient que moi même, aucun n’a été d’ordre général.
L’entretien s’est très bien passé, il m’a demandé d’être vraiment franche avec lui. Nous avons bien discuté. Il m’a autorisée à poursuivre mon activité sans prescrire la contraception.
Par la suite, je n’ai eu aucun reproche de mes confrères, seulement des questions.