Présentation :
Camille a soutenu sa thèse pour le Diplôme d’Etat de Docteur en Pharmacie, sur un sujet délicat, la clause de conscience du pharmacien.
La thèse d’exercice est l’étape ultime pour la validation du diplôme de Pharmacien ; sans cette thèse, pas d’inscription à l’Ordre et par suite impossible d’exercer.
Le sujet doit être déposé et validé par le directeur du Département.
Le jury comprend au minimum un président, enseignant habilité à diriger des recherches et exerçant dans la faculté, un directeur de thèse qui peut être extérieur à la faculté et un autre membre.
Sa composition est soumise à l’approbation du président de l’Université.
Pourquoi ce sujet ? Qu’est ce qui vous a poussé à un tel choix ?
La dispensation est le cœur du métier de pharmacien d’officine, et il me semblait important de m’interroger sur l’engagement du pharmacien envers ses patients. Dès mon stage de deuxième année, je me suis trouvée confrontée à des cas de conscience, qui ont initié ma réflexion. Celle ci s’est poursuivie durant mes années d’études ; ce temps m’a permis de mesurer les enjeux, les risques à prendre et les conséquences possibles de chaque option.
En me projetant dans la vie de pharmacien , j’ai réfléchi à des questions comme : qu’est ce qui guidera ma décision ? Comment discerner non seulement les principes généraux mais ce qu’il faut faire concrètement à ce moment là ? C’est cette réflexion que j’ai voulu poursuivre dans ce travail. Non pour apporter des réponses toutes faites, mais donner des éléments de discernement.
C’est un questionnement que j’ai pu partager avec de nombreux pharmaciens. Le sujet de la clause de conscience n’est pas qu’un problème théorique ! Il y a un risque, une difficulté réelle, nous le voyons par l’exemple de pharmaciens licenciés ou sanctionnés.
Les enjeux de conscience sont pour les pharmaciens une réalité quotidienne, au vu de toutes les nouvelles « thérapeutiques » autorisées en France ces dernières années : produits contraceptifs, stérilets, RU486, hormones utilisées dans les protocoles de PMA, mais aussi produits utilisés dans le champ des addictions ou de la fin de vie.
Il me semblait donc important de prendre des exemples concrets, pour donner une vision globale du problème en travaillant tous les aspects (historique, législatif, économique, éthique), tout en restant factuelle. Mon questionnement n’est pas d’ordre affectif ou religieux.
Pour ne pas opposer un simple « non » au patient mais chercher son bien, j’ai trouvé nécessaire aussi de proposer des solutions, chercher une troisième voie…
Enfin c’est un sujet peu étudié, il était donc pertinent d’y travailler !
Pourquoi choisir l’exemple de la pilule du lendemain, du RU 486 et des produits à visée de PMA ?
La demande de pilule du lendemain est le cas de conscience le plus fréquent à l’officine ; je souhaitais aussi montrer les paradoxes des politiques de santé sur ce « médicament ».
Pour le RU 486, sa spécificité est la délivrance au médecin : la coopération est donc plus indirecte puisque l’on passe par un tiers.
Et enfin le pharmacien est impliqué dans la prise en charge de la PMA, principalement au stade de la stimulation ovarienne pour laquelle il délivre des traitements hormonaux. Peu de gens s’interroge, pourtant là aussi j’ai voulu mettre en évidence les paradoxes : peu de réussite (un parcours mal expliqué pouvant être vécu difficilement) mais toujours plus de recours à ces techniques.
Quelles conclusions principales tirez vous de votre thèse ?
Les cas de conscience au comptoir sont une vraie difficulté pour le pharmacien aujourd’hui. La question de la clause de conscience n’est pas un sujet facile à appréhender.
De plus les enjeux s’accentuent : les lois évoluent dans le domaine biomédical, mais il n’y pas de changement pour la clause de conscience du pharmacien ; il y a donc un décalage entre les situations rencontrées et l’évolution du droit.
On pourrait imaginer une évolution vers une clause de conscience pour le pharmacien d’officine en France, sur le modèle d’autres pays européens : Italie, Espagne, Belgique (dans ces pays, l’octroi de clauses de conscience va souvent de pair avec la dépénalisation de l’euthanasie).
Un mot ajouté à l’article instituant une clause de conscience au médecin en matière d’IVG, permettrait d’avoir une législation plus cohérente.
Il me parait justifié que les choses évoluent.
Qu’avez vous à dire aux jeunes bacheliers qui veulent se lancer dans des études de pharmacie ?
En s’engageant dans des études de pharmacie, il faut être conscient des enjeux moraux de ce métier aujourd’hui ! Le pharmacien, particulièrement en officine, se retrouve dans des situations qu’il n’imaginait pas au début de ses études…
D’où l’importance de forger son caractère, pour être capable de dire non, et de former sa conscience, pour agir dans notre exercice quotidien dans le respect de la vie !
Je voudrais également encourager les étudiants en pharmacie à choisir des sujets de thèse engagés, qui soient l’occasion d’une vraie réflexion pour eux, avec une compétence scientifique. Cela démontrerait aussi une véritable interrogation des jeunes diplômés ayant à cœur d’exercer leur métier en conscience, au service des patients et dans le respect de la vie !