La loi sur la fin de vie vient d’être votée à l’Assemblée ce 17 mars 2015, avec une écrasante majorité. Malgré plus de mille propositions d’amendements, le texte a peu évolué au cours des débats.
Vous trouverez le texte intégral de la loi ICI .
Beaucoup nie que cette loi autorise le suicide assisté et l’euthanasie, pourtant Me Touraine parle « d’avancée significative », de « marche pied pour l’euthanasie »…
Notre ministre de la santé l’a décrite d’une façon qui ne peut manquer d’attiser notre volonté d’approfondir l’analyse : « c’est un renversement de la décision médicale ».
Et nous pouvons lire sur le site de l’ADMD ce 17 mars : « L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité donne rendez-vous aux Français en juin, devant le Sénat, pour dire « NON À UNE MORT DE FAIM ET DE SOIF » ».
Alors quelles nouveautés apporte cette loi ? N’est-elle qu’un « prolongement de la loi Leonetti » de 2005 ?
Considérée comme un juste équilibre par la majorité des députés, elle autorise la « sédation profonde et continue » dans certaines conditions que nous développerons plus bas.
Si le patient se trouve dans l’une des conditions citées par la loi, il peut demander cette « sédation profonde et continue » et le médecin a l’OBLIGATION d’y accéder.
En cas d’inconscience du malade, les directives anticipées s’imposent au médecin, sauf si une « décision collégiale » les juge manifestement inappropriées.
Malgré son apparence anodine ce texte ne résiste pas à un examen attentif.
Nous attirons l’attention sur plusieurs points qui constituent, sous l’apparence d’un présent, un véritable cheval de Troie.
-La distinction entre soins et traitements est renforcée par l’ajout (Art1) du mot « traitement » à plusieurs articles du code de santé publique qui évoquaient uniquement les « soins ». Cette distinction est apparue après la rédaction de la loi Leonetti. Elle a peu d’intérêt si ce n’est d’omettre l’hydratation et la nutrition artificielle pour « en finir », sous couvert de la loi, sans jugement de proportionnalité, sur l’argument de l’inefficacité de l’hydratation à guérir la maladie incurable.
-L’alimentation et l’hydratation « deviennent » des traitements (Art2)
-Ils peuvent être arrêtés en cas de maladie grave et incurable :
-sur demande,
-sur directives anticipées en cas d’inconscience,
-arbitrairement en l’absence de conscience et de directives anticipées. Ce sont tous les patients de réanimation, en EPR ou EVC qui sont concernés par cette mesure, les candidats au suicide…sur l’argument que le maintien en vie est artificiel et que la suspension des traitements engage le pronostic à court terme (Art3)
-TOUT traitement doit être supprimé en cas de sédation profonde
-L’argument de la SOUFFRANCE est le critère principal pour juger de l’opportunité d’une sédation profonde et continue. L’ambiguïté du terme, sa subjectivité, permet tous les abus.
-La suppression du deuxième alinéa et suivants de l’article L110-5, ôte de la loi la notion d’accélération de la mort comme « effet indésirable ». La règle du double effet disparait. Implicitement l’effet létal peut être désirable.
-L’introduction d’un « droit à » une fin « digne » et apaisée. Ce nouveau droit constitue donc une obligation pour le médecin. Même s’il juge que son patient est « digne » et apaisé il devra exécuter une sédation profonde et continue. La subjectivité du terme permet, une nouvelle fois, de graves abus
-La création d’un « droit à » la formation aux soins palliatifs pour les étudiants et professionnels de santé, c’est-à-dire sur demande. Ce deuxième alinéa du premier article a été arraché aux rapporteurs, mais ce qu’attendaient les députés était bien plus qu’un « droit », c’était une obligation de formation.
-Toute mesure artificielle de maintien en vie peut être arrêtée, si le patient y consent, s’il est atteint d’une affection grave et incurable. Par exemple, un diabétique, nonobstant son excellent pronostic avec traitement, pourrait obtenir une sédation le jour où il arrête son insuline, et ceci au motif que cet arrêt engagerait le pronostic vital à court terme et que ce produit est un moyen artificiel de maintien en vie.
-L’obligation pour le médecin d’associer à la sédation une analgésie, obligation non pondérée par les circonstances. En bref, sa conduite lui est dictée par la loi, non plus par une sage prudence qui permettrait de conformer ses thérapeutiques à la situation du patient. L’usage conjoint de sédatifs et d’analgésiques est connue pour réduire la marge thérapeutique, accentuer les effets indésirables.
-L’obligation pour le médecin, en cas d’instauration de sédation, d’arrêter l’hydratation artificielle, indépendamment des circonstances, de son caractère efficace, non toxique, en somme proportionné. En sachant que la déshydratation participera à un surdosage du produit sédatif et analgésique, concourant à la létalité.
-L’obligation, en cas de sédation, d’arrêter tous les autres traitements.
-La sédation, analgésie… peut être mise en place par « un membre de l’équipe médicale », à la demande du patient. Le terme s’entendant en un sens restrictif ou large, il n’est pas exclu qu’un infirmier puisse procéder seul, le médecin étant seulement consulté!
-Cette sédation peut avoir lieu à domicile autant qu’en EHPAD. Cependant :
-le niveau de formation du personnel médical et paramédical,
-le niveau du développement des soins palliatifs et
-l’absence d’infirmier la nuit dans ces lieux,
ne permettent pas d’envisager cette possibilité. Sauf si l’on veut exposer volontairement le patient à des pannes de matériel, des risques de surdosages…
-En cas d’inconscience du patient, le médecin se réfère aux directives anticipées qui deviennent contraignantes, sauf en cas d’urgence vitale et le temps d’une évaluation complète de la situation (Art8).
-Seule, une « DÉCISION COLLEGIALE » (non plus médicale, sur l’appui d’un conseil collégial), doit juger du caractère visiblement INAPROPRIÉ des directives (Art8). C’est une grave modification de la loi, entrainant une dissolution de la RESPONSABILITÉ. En effet, le médecin en charge du malade, prenait jusqu’à maintenant des décisions graves en s’appuyant sur une analyse exhaustive de la situation qui permettait de préciser l’état du patient, d’objectiver le regard et ainsi de proposer une option « sur-mesure ». Il ne s’agissait pas d’un processus démocratique de vote, mais vraiment d’un conseil collégial, en vue d’une meilleure décision du médecin. Le terme « décision collégiale » induit que le la décision est collective. Qui portera la responsabilité et les conséquences du vote ?
-Enfin, en imposant une SEDATION PROFONDE ET CONTINUE, comme unique solution à un quelconque inconfort ou souffrance, sans exiger l’emploi préalable de TOUT l’arsenal thérapeutique, sans exiger la qualité de cet usage, on oblige le médecin à l’emploi de solutions manifestement disproportionnées.
Il n’est pas prévu de CLAUSE DE CONSCIENCE, ni pour les médecins, ni pour les infirmiers, encore moins pour les pharmaciens.
Il s’agit donc bien d’un renversement de la décision médicale.
Lors des débats, un élément important est ressorti à plusieurs reprises : les patients sans capacité relationnelle ne sont pas « tout à fait vivant », l’hydratation et l’alimentation relèvent dans ce cas de l’acharnement thérapeutique… Nous vous laissons deviner quelle « avancée » est promise. Et puis demain ce seront les hémiplégiques, après demain les aphasiques, puis ceux qui présentent le gène BRCA1…
Anne Jochaud