IVG : la liberté d’expression en cause

Le 11 septembre dernier, la journaliste Valentine Oberti interrogeait sur la chaine TMC le Docteur de Rochambeau sur la clause de conscience pour l’émission Le Quotidien. Depuis, les réactions passionnées de part et d’autre se sont multipliées. L’affaire couvait depuis quelques mois déjà : quelques articles avaient été publiés concernant les hôpitaux ou cliniques (Bailleul ou Fougères) qui ne pratiquaient plus aucun avortement. D’autres articles condamnaient au même moment une soi-disant surutilisation de la clause de conscience à l’étranger. Ainsi, le reportage d’Arte en mars dernier, « les croisées contre attaquent » s’alarmait de ce que 70% des médecins italiens invoquent la clause de conscience pour l’IVG, rendant ainsi l’accès à l’avortement plus compliqué. Valentine Oberti s’inscrit dans ce mouvement. Elle se met dans la peau d’une de ces femmes qui souhaitent avorter et filme en caméra cachée à l’hôpital de Bailleul le refus du personnel d’accéder à sa demande. Ensuite, elle interroge le Dr de Rochambeau, président du syndicat des gynécologues et obstétriciens de France qui fait part de sa réserve quant à l’acte abortif et explique qu’il fait usage de la clause de conscience pour refuser de pratiquer tout avortement.  Dans son reportage, Oberti a voulu choquer. Des 8 minutes d’interview elle n’a retenu que 48 secondes pour insister sur le vocabulaire ou les expressions les plus fortes : « retirer des vies », « homicide ». Ces 48 secondes ne rendent pas compte des justifications profondes du docteur. Il s’est d’ailleurs exprimé dans Le Monde pour dénoncer une « manipulation de ce que j’ai dit pour faire le buzz ». Bien conscient du caractère truqué du reportage et devant l’indignation de beaucoup d’internautes, TMC s’est sentie obligée de mettre en ligne le reportage complet et de donner plus d’explications en direct. Bizarrement, dans un premier temps, ce n’est pas la clause de conscience qui est dans le collimateur mais la simple remise en question de l’IVG. Ce qui est insupportable finalement, c’est d’entendre dire que l’avortement n’est pas un acte banal et que l’embryon n’est pas qu’un simple amas de cellules sans vie. Sur RMC, Laurent Neumann déclare avoir eu l’impression « [de revenir] 45 ans en arrière » : traduisez « Horreur ! ,L’avortement n’est toujours pas banalisé comme n’importe quel acte chirurgical ». La coprésidente du planning familial juge ces propos « purement scandaleux » et invite même les gynécologues invoquant la clause de conscience à quitter la profession. Du côté des politiques, Marlène Schiappa, ministre du droit des femmes, déclarait : « nous ne devons laisser passer aucune attaque, d’où qu’elle vienne, contre le droit des femmes à accéder librement à l’avortement » et Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, « rien ni personne ne doit l’entraver ».

Refuser tout questionnement sur l’IVG revient à affaiblir les fondements de la clause de conscience. Se poser des questions sur l’avortement, questionner le caractère spécifique de l’IVG comme acte qui « retire une vie » ne doit pas avoir droit au chapitre dans les media et donc dans le débat public. Ainsi, il est parfaitement logique d’interdire la clause de conscience puisque l’opposition à l’avortement ne peut plus être justifiée. Jusqu’à présent, on dissociait l’expression d’une opinion anti-IVG et le fait de refuser de pratiquer l’IVG, la fameuse clause de conscience. Mais avec cette affaire, les media et politiques commencent progressivement à comprendre que le refus de pratiquer l’IVG est aussi l’expression d’un questionnement sur l’IVG.

Enfin, il faut bien comprendre pourquoi la clause de conscience est si importante : elle permet à l’instar de la coprésidente du planning familial à ce qu’il y ait encore des gynécologues anti-IVG qui puissent débattre au sein de leur profession. C’est également, comme le rappelle le Dr de Rochambeau dans l’entretien version longue, le dernier rempart contre la mise en place d’une médecine désincarnée obéissant sans discernement aux injonctions les plus folles des idéologies contemporaines.

L’affaire Rochambeau a donc joué comme un catalyseur. Une pétition pour le retrait de la clause de conscience s’est mise en place qui a recueilli plus de 80.000 signataires. Le vendredi 28 septembre, une proposition de loi a été déposée par La sénatrice Laurence Rossignol conjointement avec d’autres parlementaires qui prévoit la suppression de la clause de conscience dans le cas de l’IVG. Elle a affirmé que cette clause « est aujourd’hui le symbole d’un pouvoir médical qui s’arroge le droit de contester la loi et continue de se mobiliser pour contrôler le corps des femmes ».  La seule réaction a été celle de Mgr Michel Aupetit qui dans Le Parisien du dimanche 30 septembre a jugé « terrible » cette proposition de loi estimant qu’elle nous faisait rentrer dans un état de « dictature ». : « Cela signifie qu’on entre dans une forme de dictature qui dit: ‘Vous n’avez pas le droit de penser, votre conscience doit être éteinte ».

Que faire ? C’est désormais aux professionnels à se faire entendre. Parmi les professionnels de santé, il existe une importante chape de plomb sur ces sujets : très nombreux sont ceux qui sont très mal à l’aise avec l’avortement mais qui considèrent sa pratique comme un mal nécessaire. Demain ils n’auront plus droit au chapitre et devront soit quitter la profession soit s’exécuter comme des instruments au service de la culture de mort. Il serait temps de penser à des alternatives et il en existe. Une société qui ne voit dans la mort que la seule issue à ses problèmes est une société qui est vouée à disparaître. Le temps du réveil est venu ! Mobilisons-nous !

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Publié dans : Actualités, Edito, Médecins