Jeune pharmacienne d’officine diplômée depuis un peu plus d’un an, j’ai toujours eu le souci d’exercer mon métier, selon ma conscience et ce qu’enseigne le serment de Galien et le code de déontologie. C’est-à-dire prendre soin du patient, l’écouter, l’informer, le conseiller et lui laisser faire son choix tout en respectant sa vie et sa personne. Je suis maintenant licenciée pour faute grave.
Suite à mes études et à mon stage, j’ai pu décrocher un poste en officine. J’étais heureuse de mettre en application ce que j’avais appris lors de ces longues années d’études. Les premiers mois se passent parfaitement bien. Petit à petit, je prends un peu plus conscience de la réalité de la pharmacie dans le monde actuel, particulièrement des contraintes industrielles, financières, idéologiques…. Cela me permet de me positionner face à cela et d’entretenir au mieux l’esprit d’une pharmacie de proximité avec un contact humain fort, plutôt que de me transformer en caisse automatique à fort rendement. Suite à ces réflexions, j’exerce ma profession avec plaisir et accueille chacun de mes patients du mieux que je peux pour les accompagner dans leurs soins. Pourtant il y a des délivrances de « médicaments » qui me mettent mal à l’aise. Notamment la pilule du lendemain. Est-ce que ces « médicaments », d’après leur définition, « visent à traiter une maladie humaine…à établir un diagnostic ou traiter une fonction physiologique » ou bien participent-ils « au respect de la vie et de la personne humaine », comme cela est dit dans le code de Déontologie ? Je ne suis pas sûre. Je ne peux pas changer cela, mais à chaque fois que j’en délivrais, j’étais mal à l’aise et cela me poussait à faire quelque chose. J’ai donc abordé le sujet avec ma responsable comme il va de soi entre confrères pharmaciens quand il s’agit d’échanger sur de nos problèmes pour trouver ensemble une solution. Par exemple, lors de mon stage, ma responsable m’avait autorisé à transférer le patient à une collègue. Cela se faisait en bonne intelligence. Mais dans cette pharmacie, cela n’était absolument pas possible : en mettant ma blouse, je devais laisser ma personnalité et mes idées dehors. J’ai donc dû continuer d’en délivrer. J’ai aussi étudié un peu plus ce produit pour compléter mon devoir de conseil et d’information, afin que la patiente ait toutes les informations en main. Ce qui me permettait ainsi d’avoir une conscience un peu plus tranquille.
Tout se passait pour le mieux jusqu’au jour où ma responsable me remit une lettre de mise à pied en vue d’un licenciement pour faute grave ! Rentrée à la maison, je lis et relis le motif : « a incité une patiente à aller voir des sites anti-IVG et mélange ses opinions personnelles et professionnelles ». J’essaie de me remémorer à quel moment j’ai pu faire cela, car bien que je ne sois pas d’accord avec telle ou telle façon de faire, je n’ai jamais eu l’intention d’imposer mes idées à une patiente. Il s’avère donc qu’une patiente était venue avec une ordonnance pour des médicaments préparatoires à un avortement. Comme à l’habitude, devoir d’écoute, de conseil, d’information, une discussion s’engage. Nous avons discuté du sujet et des informations présentes sur internet, je lui ai dit d’y aller avec précaution car tous les sites ne sont pas fiables. Cette discussion que je qualifierais de neutre, est revenue aux oreilles de ma responsable comme une discussion où j’aurais voulu influencer cette personne.
La lettre de mise à pied à été directe …. Sans discussion, sans possibilité d’explication….bien loin du respect et du dialogue entre confrères. La lettre de licenciement a été du même acabit. Ainsi, la conscience et le souci de respecter une personne dans son intégrité n’ont plus de place dans une pharmacie. Les autres professionnels de santé ont encore ce droit, mais plus pour longtemps. Nous, pharmaciens, avons donc l’obligation de délivrer cette pilule, de favoriser l’avortement, de prendre part à ces abominations. Une position neutre ou différente sur ces sujets est déjà un parti pris intolérable pour nos confrères et pour la société… Pour moi, espérant devenir maman en cette belle année, il m’est évidemment impossible d’être insensible, de ne pas prendre conscience de ces sujets…
Trois mois après les événements, je reste encore choquée et indignée de la façon dont j’ai été évincée de mon métier et de ma vocation. J’ai bien entendu contesté la lettre de mise à pied mais n’ai eu aucune réponse. Actuellement, j’envisage de me reconvertir vers un métier où je pourrais continuer à prendre soin de la santé des personnes, puisque le métier de pharmacien perd peu à peu son sens. Entreprise de longue haleine, il faudrait que je reprenne des études, mais pas impossible.
PS : Je voudrais remercier l’association Objection ! pour leur soutien et la mise en relation avec des professionnels du même secteur d’activité. Lors du WE objection qui s’est tenu à Paris mi-décembre, j’ai pu rencontrer de nombreux professionnels de santé (pharmaciens, mais aussi médecins, sages-femmes, infirmiers…) qui tous dans leur domaine se posent aussi des questions. Le but est de pouvoir se connaitre, se soutenir, mais aussi de réfléchir à un retour à de bonnes valeurs et pratiques dans nos secteurs. Je vous invite donc très vivement et chaleureusement à nous rejoindre chacun dans vos spécialités. Solidarité !