La tribune de Thibaud Collin du 14 septembre 2012 n’a rien perdu de son actualité.
L’injustice du « mariage pour tous » légitime l’objection.
Quelle est la conception du mariage sous-jacente au projet de loi que le gouvernement s’apprête à présenter au Parlement ? Christiane Taubira affirme dans La Croix (du 11.IX. 2012) que « le mariage pour tous répond à une exigence d’égalité » et qu’il faut entendre par mariage « un acte juridique solennel, inventé pour structurer la société, qui codifie plus strictement que d’autres formes d’union les conditions de la vie commune ». Mais en quoi structure-t-il la société ? Pourquoi effectivement toutes les sociétés ont-elles reconnu dans le mariage une institution et non pas un simple contrat de droit privé ? Pourquoi ont-elles éprouvé le besoin de codifier les conditions de la vie commune ? Pourquoi, si ce n’est pour le bien des enfants issus de ces unions, enfants dont l’Etat doit garantir les droits et sauvegarder les biens essentiels à leur plein développement ?
Or étrangement Christiane Taubira raisonne exclusivement à partir d’un principe neutre et abstrait : l’égalité des droits. Notons qu’aujourd’hui en France, aucun majeur n’est interdit de se marier. L’orientation sexuelle des futurs mariés n’est pas demandée par le maire lors de la cérémonie de mariage. L’officier d’état civil doit juste valider que certaines conditions sont respectées. Ainsi, étant un homme, de même que je ne peux me marier avec ma sœur ou ma nièce, je ne peux me marier avec un autre homme, ni avec un homme et une femme. Le Garde des Sceaux considère qu’il convient désormais de supprimer une des conditions de l’accès au mariage. Pourquoi celle-ci et pas les autres ? Si c’est au nom de la simple égalité des droits individuels relayant des désirs intimes, on ne voit pas en quoi les interdits de l’inceste et de la bigamie ne seraient pas eux aussi dénoncés comme injustes.
L’arbitraire et incohérence du projet de loi se manifestent également dans la manière dont il tranche le problème de la filiation. Ainsi pourquoi refuser l’accès de l’Assistance Médicale à la Procréation aux couples de femmes ? De deux choses, l’une : soit on veut l’égalité de tous les couples et alors pourquoi s’entêter à privilégier les couples mixtes (homme/femme) ? soit, on reconnait que l’égalité ne s’applique pas de manière indifférenciée à toutes les situations différentes et alors pourquoi ne pas valider que l’enfant a le droit imprescriptible à se reconnaître issu de son père et de sa mère ? Voter en l’état, cette loi constituerait un appel d’air à sa remise en cohérence à partir de l’axe qui l’inspire effectivement et à légaliser l’ouverture à l’AMP pour les couples lesbiens, la gestation pour autrui pour les couples gays d’une part, la remise en cause de la monogamie et de l’interdit de l’inceste pour les individus adultes consentants d’autre part.
Christiane Taubira raisonne comme si seuls les adultes étaient dépositaires des droits de l’homme ! En effet, dans cette affaire, qui sont les parties en présence ? Des adultes ayant une certaine pratique sexuelle ne leur permettant pas de procréer et des enfants qui seront adoptables. Est-il juste que l’Etat détermine a priori que certains enfants seront privés soit de leur père, soit de leur mère ? L’argument selon lequel ces adoptables le sont précisément en tant qu’ils n’ont plus de parents est irrecevable car c’est choisir d’ajouter au drame du deuil la privation de toute analogie entre le couple dont ils sont issus et le nouveau couple parental monosexué. Le Garde des Sceaux annonce enfin la possibilité de l’adoption simple qui maintient un lien avec les parents antérieurs. Sachant qu’existent déjà les possibilités de la délégation ou du partage de l’autorité parentale au bénéfice du partenaire de même sexe, on peut juger que la loi est inutile au regard de la vulnérabilité de certains enfants.
La grave question qui est posée au législateur et à tous les citoyens ne concerne donc par l’homosexualité ; elle concerne les enfants. L’homoparentalité est définie par les militants gays comme une situation de fait ; rappelons qu’actuellement les enfants vivant en lien avec des personnes homosexuelles ne sont pas privés de leur double origine. Or demain si la loi est votée, l’Etat se portera garant auprès d’une classe d’enfants que ces deux hommes ou ces deux femmes sont bien effectivement leurs parents. Comment appeler une telle attitude ? Un reniement par l’Etat de sa mission de protéger les plus faibles. Un mensonge d’Etat.
Thibaud Collin
Philosophe, vient de publier Les Lendemains du mariage gay (Salvator)