L’objection d’âme et conscience

Nous publions des extraits de cet intéressant article du docteur Serge Daneault. On trouvera le texte intégral de cette tribune sur le site canadien Le Devoir à l’adresse suivante

http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/459777/aide-medicale-a-mourir-l-objection-d-ame-et-de-conscience

 

De nombreux journalistes, comme la majorité des politiciens, n’insistent-ils pas sur le large consensus entourant la loi sur l’aide médicale à mourir dans la population québécoise ? Ils omettent de dire que 59 % des mémoires déposés devant la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité s’opposaient à la mise en place de l’euthanasie au Québec, que 22 députés ont voté contre la loi et que plus de 600 médecins ont apposé leur nom sur une pétition qui demandait le retrait du projet de loi. Quand, de tous les documents publiés par le Collège des médecins du Québec, le guide sur l’administration de l’aide médicale à mourir est le seul auquel la population n’a pas accès et quand les politiciens usent de formules aux sens aussi multiples que confus, on peut comprendre que la population ne voie plus aucune différence entre soins palliatifs, suicide assisté et euthanasie.

Maintenant que la loi est en vigueur, il est clair qu’un nombre important de médecins voudront se prévaloir de son article 50 prévoyant le droit à l’objection de conscience. On a tort de penser que cette objection se fera à la légère. Pour ces personnes,« l’administration de médicaments ou de substances à une personne en fin de vie, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès » (article 3 de la Loi) constitue un homicide en regard du Code criminel, qui stipule que « commet un homicide quiconque, directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d’un être humain » (article 222). Or, il existe toujours des citoyens qui estiment en leur âme et conscience qu’un homicide est mal, quelles qu’en soient les motivations.

[…] Mais laissons tomber les masques et regardons la réalité : la souffrance d’autrui n’est jamais évaluable et encore moins quantifiable. Si j’étais d’accord avec l’euthanasie, je ne pourrais jamais dire à un patient qui m’avoue souffrir que sa souffrance n’est pas assez grande pour que je lui donne la mort. C’est pourquoi, dans les pays «euthanasistes», les demandes réelles et répétées sont toujours satisfaites. […] Quand on souffre, on souffre, et lorsque la mort donnée devient la réponse de la société, elle devient la réponse possible à toutes les souffrances, sans discrimination. Cependant, rien ne nous dit que la souffrance est moins prégnante dans les quelques sociétés qui ont opté pour l’homicide médical. Toutefois, il ne semble pas qu’on puisse jamais retourner en arrière. Celui qui donne la mort à son semblable ne pourra jamais affirmer qu’il a fait une erreur puisque la mort donnée est le seul acte qui soit irréparable.

 

 

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