Une nouvelle publication sur l’objection de conscience

Couv

Ce n’est pas la première publication sur le sujet. Il faut signaler le livre collectif dirigé par Mgr Jean Laffitte (La conscience chrétienne au service du droit de la vie, Edifa), le livre de François de Lacoste (Je refuse, Ed de l’Emmanuel) celui de Mgr Suaudeau (L’objection de conscience , Ed. Peuple libre) ou encore Pharmaciens hors la loi (Ed de l’Homme Nouveau). Pourquoi donc une nouvelle publication ? Travaillant au contact des objecteurs, ceux-ci expriment un fort besoin de formation et d’information. Finalement le besoin de formation est d’autant plus important que le sujet est grave. Au travers de ce nouvel ouvrage, nous avons les actes d’un week-end de formation sur l’objection de conscience qui s’est déroulé en décembre 2011. Réunissant essentiellement des professionnels de santé, tous avaient eu à expérimenter les pressions pour trahir leur conscience et se soumettre aux injonctions ambiantes : délivrance de la pilule du lendemain pour les pharmaciens, participation à l’avortement pour les médecins et sages-femmes et pression pour tous lors des études pour sacrifier sur l’autel de la santé reproductive. Tous expriment donc le besoin de prendre un peu de recul pour comprendre le pourquoi de cette situation mais également pour pouvoir disposer des clés pour agir.

Multidisciplinaire, ce week-end de formation a réuni des intervenants venant d’horizon divers (juristes, philosophes, moralistes, journaliste etc.) mais avec l’objectif commun de faire un état des lieux complet sur cette question.

Venons en au livre. En introduction, le professeur Joël Hautebert montre comment l’objection de conscience loin de constituer une désobéissance représente la forme même de l’obéissance à la vraie loi quand la loi des hommes devient injuste. L’objecteur est celui qui fait le choix de la raison contre les errances de la loi positive qui n’en est plus une.

Théologien, moraliste, l’abbé Claude Barthe aborde de son côté les aspects moraux liés à l’objection de conscience, essentiellement sous l’angle de la coopération. Cette question de la coopération est d’autant plus mal comprise que c’est l’éthique de la responsabilité qui règne aujourd’hui en maître, obligeant les professionnels à penser une disjonction entre conviction intime et action professionnelle. Ainsi je peux considérer à titre personnel que la pilule du lendemain est nocive pour la femme et mauvaise pour la vie à venir de par ses effets abortifs mais en tant que pharmacien mon devoir est de délivrer cette pilule à qui me le demande. C’est cette disjonction négatrice de la question de la coopération qui est demandée aux professionnels de santé. Le philosophe Pascal Jacob aborde donc ce thème weberien de l’opposition entre éthique de conviction et éthique de responsabilité en prônant finalement un chainage entre les deux : ni éthique de la conviction stricte qui n’est qu’une forme d’idolâtrie de la lettre ni éthique de responsabilité qui oublié qu’il existe un mal intrinsèque. Quant à Thibaud Collin, il analyse comment cette disjonction entre for interne et for externe est finalement le fruit d’une histoire marquée par la laïcité. Cette radicalisation de la laïcité qui envahit jusqu’à la sphère individuelle (un hyper-laïcisme) nie l’unité de la personne et représente de ce fait une nouvelle forme de totalitarisme.

Le juriste Nicolas Mathey fait un état des lieux des législations européennes en matière d’objection de conscience. Quant à Bruno Kruse il montre comment la multiplication des droits rend leur cohabitation difficile. De ce fait la liberté de conscience ne pourra à aucun moment être absolutisée et aura toujours à composer avec d’autres droits (comme le droit à la santé reproductive ou le droit à mourir dans la dignité), faisant de ce fait de l’objection de conscience une épine dans le pied pour le jeu démocratique.

Enfin Philippe Cappello montre que l’objection de conscience ne peut rester un strict phénomène individuel. Il est important de créer des réseaux de solidarité car si les objecteurs sont en première ligne, la deuxième et la troisième ligne doivent être là pour les appuyer. De ce fait, il est nécessaire de mettre en place une prise en charge collective du phénomène que l’on ne peut mettre dans la catégorie de la désobéissance civile mais plutôt dans celle de l’assistance à personne en danger.

Enfin l’excursus de fin de livre évoque la figure de ce paysan autrichien Franz Jägerstätter qui pendant la dernière guerre refusa de rejoindre le front de l’est parce qu’il considérait que cette guerre était injuste et qu’il ne pouvait coopérer à l’extension d’une idéologie meurtrière. Cette objection lui coûta la vie : traduit en conseil de guerre, il fut accusé de haute trahison et exécuté à Berlin quelques mois plus tard. Nous avons donc adjoint aux exposé ces dialogues issus du film d’Axel Corti (Le cas Franz Jägerstätter) qui relatent l’histoire de Franz depuis l’annonce de son refus jusqu’à son exécution en passant par son procès. Les dialogues qui sont très riches manifestent le force d’âme du simple paysan qui voit s’opposer à lui une coalition de gens tous prêts à le sauver et à lui trouver des arguments pour abandonner son combat. Franz Jägerstätter a été béatifié par Benoît XVI en 2007.

Bonne lecture

 

Philippe Cappello

Publié dans : Actualités, Edito