Gregor Puppinck, président du Centre européen pour le droit et la justice, a récemment publié une étude très fouillée, de plus de cinquante pages, dans la revue Droit, société et religion (N°6, CNRS éditions, juillet 2016).
Cet article nous offre une vision globale de l’objection, en partant de ses aspects philosophiques jusqu’au droit positif, qu’il s’agisse de la loi française, des grands textes juridiques européens et internationaux, ou encore de la jurisprudence des grandes Cours, comme la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, le droit positif est passé au crible de considérations plus générales, philosophiques et morales, qui constituent l’ossature, la matrice de la liberté de la conscience (liberté positive ou négative) et de son corollaire, l’objection.
La clarification des concepts, par laquelle Gregor Puppinck commence son étude, mérite à elle-seule d’être lue avec la plus grande attention, le mot conscience étant aujourd’hui mal compris, confondu avec de simples convenances personnelles. Notons par exemple, la distinction entre la syndérèse (connaissance innée des principes premiers du bien et du mal) et le libre arbitre qui consiste à choisir de suivre ou de refuser ce que dicte la conscience. « La conscience morale n’est donc pas un acte arbitraire, mais un acte de connaissance du bien ». Lorsque les actes prescrits par la législateur contreviennent à la conscience ainsi définie, l’objection est alors un devoir avant d’être un droit. Gregor Puppinck cite plusieurs décisions de justice allant dans ce sens, y compris au cours des deux dernières décennies, décisions que l’on aimerait rencontrer également dans la jurisprudence des Cours dans le domaine de la bioéthique et de l’avortement, y compris chimique.
Les développements relatifs à la définition de l’objection, comme droit subjectif ou droit objectif, sont également particulièrement éclairants. Dans le premier cas, l’objection est attachée au sujet, c’est-à-dire à la conception individuelle du juste, dans le second l’objection résulte de l’acte lui-même auquel on demande à l’agent de collaborer. Il découle du caractère objectif de l’objection que la loi peut être considérée comme injuste, ce qui heurte de plein fouet le positivisme juridique dominant. Les Cours oscillent entre les deux définitions.
L’exposé de toutes les situations pour lesquelles le droit, aussi bien français, qu’européen ou international, reconnaît l’objection illustre la difficulté à déterminer convenablement les cas où elle est possible dans une société qui perd le sens des valeurs communes, objectives, fondées sur la raison. Après avoir rappelé à plusieurs reprises la nécessaire distinction entre la liberté de la conscience et la liberté de religion, Gregor Puppinck achève son analyse en affirmant qu’ « il faut s’efforcer de conserver une vision claire de la morale, comme détermination rationnelle ».
Joël Hautebert