Québec : malaise des médecins sur l’aide à mourir

Une première étude réalisée auprès de médecins en soins palliatifs, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’aide à mourir, révèle que certains d’entre eux sont « affligés »quand leurs propres patients formulent ces demandes. D’autres préfèrent ne pas aviser leurs supérieurs s’ils estiment ces requêtes « déraisonnables » ou faites par des « patients inaptes ».  C’est notamment ce qui émane de la toute première étude qualitative, réalisée entre janvier et août derniers, par des chercheurs québécois et ontariens auprès de médecins oeuvrant dans deux unités de soins palliatifs dans la région de Montréal. Ce premier coup de sonde, dont les résultats n’ont pas encore été publiés, démontre que bien des zones grises subsistent dans la manière de traiter les demandes d’aide à mourir.

« Je ne vais pas appeler le directeur des services professionnels et le déranger si la demande n’est pas raisonnable ou si le patient est en délirium », confie un des quinze médecins interrogés sur le rôle de ces derniers dans le « processus décisionnel sur l’euthanasie ».

Selon la chercheuse Emmanuelle Bélanger, de l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal (IRSPUM), plusieurs des médecins interrogés ne sont pas à l’aise d’être impliqués dans le traitement des demandes d’aide à mourir, surtout lorsqu’il s’agit de patients traités dans leur propre unité de soins.

« Quand la demande est survenue, j’offrais d’explorer les raisons, la détresse existentielle et spirituelle […], ce qui est une partie de mon travail. Le patient m’a en quelque sorte fait taire et ne voulait pas explorer cette avenue. Il ne voulait pas explorer ce qui le poussait à demander l’euthanasie. Nous avons été affligés par cela », soutient un médecin interrogé dans le cadre de cette recherche.

Les entrevues réalisées démontrent que certains médecins qui refusent de dispenser l’aide à mourir se retrouvent impliqués à divers degrés, et parfois malgré eux, dans l’évaluation de ces demandes. « Même s’ils ne veulent pas être impliqués dans l’aide à mourir, certains sont appelés à évaluer l’état du patient quand une demande est faite, car l’avis du médecin traitant aide à valider la demande », explique-t-elle.

À l’opposé, des médecins disent avoir refusé d’emblée les demandes d’aide à mourir provenant de patients qu’ils jugeaient non raisonnables ou inaptes à consentir. Selon la chercheuse, cela laisse penser que le nombre des refus pourrait être plus élevé que le nombre des refus officiels recensés depuis l’entrée en vigueur de la loi. Cette observation est aussi confirmée par des sources dans le milieu hospitalier, qui remarquent que des « médecins, avant d’accueillir une demande, croient que le patient doit être admissible. Il y a parfois une mauvaise compréhension du processus de demande d’aide à mourir », indique cette source.

Selon la chercheuse, peu des médecins interrogés qui sont non favorables à l’aide à mourir évoquent des raisons religieuses. Ils ont plutôt la conviction que l’accès à de bons soins palliatifs pourrait remédier aux souffrances des patients qui optent pour l’aide à mourir. Plusieurs craignent qu’offrir l’aide à mourir dans leur unité mette en péril la tranquillité d’esprit des autres patients. « Il y a beaucoup de patients qui ne veulent pas l’aide médicale à mourir. Ils veulent vivre le plus longtemps possible et le plus paisiblement possible. Si cela est menacé par ce qu’ils croient être en train de se produire dans la chambre à côté… », soulève un des médecins interrogés.

 

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