Voici un second témoignage de pharmacien, à la suite du premier publié ici. Comme le précédent, il nous éclaire sur la réalité soigneusement cachée derrière ce que l’on appelle « la contraception d’urgence » (1), réalité à laquelle les pharmaciens sont cependant confrontés dans l’exercice de leur métier. Le comportement responsable du pharmacien qui informe, avise et dans certains cas refuse la vente de produits n’a strictement rien à voir avec l’image véhiculée par quelques articles circulant sur les réseaux sociaux. Si ces ventes étaient aussi anodines qu’on nous le dit, pour quelle raison autant de pharmaciens (85 %) se sont-ils déclarés favorables à une clause de conscience ? Même s’il existe aussi d’autres (excellentes) motivations, à l’évidence cette question a fortement pesé.
Jean, pharmacien d’officine :
« Les conditions de délivrance des médicaments sont très encadrées, il y a peu de professions qui permettent une traçabilité aussi poussée, depuis la fabrication jusqu’à la délivrance des médicaments, avec l’enregistrement et le suivi du prescripteur et du consommateur final.
Pour des raisons idéologiques, la pilule du lendemain, appelée aussi contraception d’urgence échappe à toute cette réglementation.
Combien de personnes savent que l’urgence est toute relative, puisque le produit doit être pris dans les 72 heures suivant un rapport supposé à risque, et qu’il existe un autre produit qui lui doit être pris dans les 5 jours !
Combien de personnes savent que la pilule du lendemain est accessible sans ordonnance (ce qui n’est pas le cas des autres pilules contraceptives), que les jeunes filles mineures peuvent l’obtenir gratuitement (le prix réel se situe aux alentours de 6 ou 7 euros le comprimé et de 20 euros pour EllaOne) et anonymement, donc sans aucune traçabilité. Combien savent que le principe actif, le levonorgestrel est 50 fois plus dosé dans un comprimé de Norlevo que dans un comprimé de Microval, contraceptif qui n’est délivrable que sur ordonnance ?
On peut raisonnablement considérer qu’une utilisation occasionnelle pourrait être sans danger, mais les pharmaciens qui délivrent ce produit savent que des jeunes filles le prennent plusieurs fois par an, voire plusieurs fois par mois. Ces pharmaciens savent donc que certaines mettent leur santé en danger. Le fait d’avoir supprimé toutes les dispositions usuelles destinées à garantir la sécurité sanitaire n’en fait pas un produit moins dangereux à utiliser ; au contraire, on a banalisé son utilisation et comment s’étonner qu’il soit autant utilisé ? Notre pays bat les records d’utilisation des pilules contraceptives, et aussi de pilules du lendemain, notamment chez les jeunes, mais aussi du nombre d’IVG.
Les jeunes sont particulièrement victimes de cette banalisation, leur responsabilité est bafouée, puisqu’on leur offre, gratuitement, la solution pour pallier leur insouciance (2).
On tourne en dérision la mise en garde de professionnels de santé qui, certes, n’ont peut-être pas utilisé les mots adéquats pour tenter de mettre en garde les utilisatrices de ces produits. On a même été jusqu’à la caricature tellement grossière qu’elle perd toute sa crédibilité.
Certains trouvent scandaleux que des pharmaciens, en conscience, ne souhaitent pas délivrer ces produits. Un jour viendra peut-être où un scandale sanitaire éclatera du fait de l’inconscience des pouvoirs publics qui ont tout fait pour banaliser l’utilisation de ces produits.
Le laboratoire fabricant lui-même écrit qu’on ne connait pas avec précision le mode d’action de la pilule du lendemain…il s’agit en principe d’empêcher l’ovulation. Mais si l’ovulation a déjà eu lieu et qu’un nouvel être a été conçu, le produit va entrainer son élimination. Pour certains ce « détail » est sans importance, pour d’autres cela peut poser un vrai problème de conscience.
Pour la délivrance de la pilule du lendemain, le pharmacien est le seul professionnel de santé qui sera en relation avec la personne qui en fait la demande, doit-il se comporter comme un simple distributeur ? Au-delà des caricatures, est-il normal qu’il ne puisse exercer son métier en conscience ? »
(1) Voir le constat de Thérèse Argot, sexologue et éducatrice en milieu scolaire : « L’hypocrisie, c’est d’abord les appellations données pour désigner ce comprimé : « contraception d’urgence », « pilule du lendemain ». Elles permettent de dissimuler l’action réelle qui consiste à mettre un terme au cycle en cours dans l’espoir d’empêcher soit l’ovulation, soit la fécondation, soit la nidation. En fait, on ne peut pas savoir si le produit a permis d’éviter un début de grossesse ou d’y mettre un terme. Techniquement parlant, ces hormones n’ont pas qu’une action contraceptive (contre la fécondation) mais aussi contragestive (contre la nidation) ».
Par le jeu des mots, on entretient le flou pour tromper les consciences des femmes et banaliser l’intention, pour faire passer la pilule en somme. … En tant qu’éducatrice en milieu scolaire, je défends qu’il faut avoir le courage de donner une information complète, précise et nuancée, aux filles comme aux garçons sur l’ensemble des moyens de contrôle de la fécondité. Si les adolescents ne supportent pas une chose, c’est le mensonge. Ils préfèrent savoir la vérité plutôt que d’être infantilisés à coup de demi-vérités et de pilules pour effacer les petites « bêtises » de la veille ou de l’avant-veille. C’est la vérité qui les fait grandir.»