La liberté de conscience : un rapport de force

Plus de 20 000 élus municipaux ont déclaré leur opposition à la loi Taubira. C’est sans précédent. Pourtant, il y a 36 000 communes en France, soit des centaines de milliers d’élus municipaux : peut-on imaginer que seuls 20 000 d’entre eux s’opposent en conscience à la célébration de mariage entre personnes de même sexe, sachant que ce mariage ouvre droit à l’adoption plénière d’enfants et encourage le recours à la PMA avec père anonyme ? Comme pour tous les sujets de société, ces 20 000 élus sont la minorité consciente et agissante derrière laquelle de nombreux autres élus attendent d’être défendus.

La liberté de conscience est un droit qui se mérite, car il s’exerce dans la contestation. Les médecins ont su l’obtenir, mais non les pharmaciens, pourtant ils ont les mêmes raisons de l’invoquer. Ainsi, dans la démocratie actuelle, avoir raison ne suffit pas : encore faut-il être le plus fort. Plus encore, être le plus fort suffit en démocratie pour avoir raison dès lors que le pouvoir politique se permet de légiférer sur tout, même sur l’histoire (pensons aux lois mémorielles).

Lorsque l’avortement a été légalisé dans les années 1970, la clause de conscience n’a pas été accordée, d’abord, par respect de la liberté des médecins, mais pour faciliter l’acceptation de l’avortement. La conscience des médecins était un obstacle à la libéralisation de l’avortement ; cet obstacle ne pouvait être surmonté que par la clause de conscience. Si le législateur avait quelques égards pour la conscience individuelle, il garantirait aussi le droit des pharmaciens de refuser de fournir la pilule abortive ; mais il n’a que faire de la conscience de ses opposants.

Avoir raison ne suffit pas, il ne suffit pas que l’objection de conscience soit juste pour qu’elle soit respectée et acceptée. Les élus municipaux n’obtiendront le respect de leur liberté de conscience que s’ils sont prêts à en payer le prix : que s’ils la désirent vraiment. Ce n’est que contraint et forcé que le gouvernement acceptera de ménager un espace de liberté à la conscience individuelle, comme solution à un trouble plus grand causé par la désorganisation des mairies et des services de l’état civil.

Les maires pourraient faire la grève de leurs fonctions d’officier d’état civil, car ils les exercent non pas en tant qu’élus du peuple, mais en tant que « agents de l’Etat », comme n’importe quel fonctionnaire. Le droit de grève aussi est un droit qui se conquiert : ce sont les circonstances politiques et non pas la légalité qui fixent la norme : en matière de grève, nécessité fait loi. Les maires peuvent faire la grève de l’état civil ; ce n’est pas trahir leurs électeurs car cette fonction est exercée pour l’Etat central et sous son contrôle. Les Préfets qui représentent l’Etat central n’ont qu’à célébrer eux-mêmes les mariages.

La vraie question est de savoir si les maires et adjoints sauront être fermes face au gouvernement actuel et sauront s’organiser pour résister, au pire, jusqu’à la prochaine alternance. Auront-ils le courage des objecteurs au service militaire ou la lâcheté légaliste de nombreux pharmaciens ? Mais à la différence des victimes de la pilule RU 486, celles de l’adoption homosexuelle, de la PMA et de la GPA ont un visage : celui d’enfants achetés et privés volontairement de leur père ou de leur mère ; ils nous demanderont un jour des comptes. Une telle injustice ne pourra provoquer en ces enfants que d’immenses souffrances et violences contre la société. Nos enfants nous demanderont aussi comment nous avons pu tolérer que la loi devienne folle.

D’ici là, il n’est pas certain que la conscience des élus résiste à la tentation du conformisme. Depuis cinquante ans, la société s’est chargée d’injustices endémiques : avortement, divorce, surendettement, pornographie, violence, illettrisme, etc. La société a suffisamment de lâcheté pour supporter ces injustices avec résignation ; en sera-t-il de même de l’industrie des enfants-objets et de l’acceptation de l’homosexualité comme modèle familial ?

Les maires ont le choix, c’est maintenant que cela se joue.

Pierre Hausen.

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