Une pharmacienne licenciée injustement parce qu’elle travaillait dans le respect de le vie et de la personne humaine

Au commencement de mon travail en pharmacie en 1996, je n’avais pas tenu comte que parmi les médicaments proposés, il existait des produits abortifs. D’ailleurs la liberté de délivrer une pilule du lendemain à une mineure sans ordonnance n’existait pas. Puis j’ai été amenée à honorer la prescription d’un stérilet cuivré, donc anti-nidatoire qui empêche la fixation de l’œuf sur l’utérus ,s’il y a fécondation . Et j’ai commencé à prendre conscience de l’atteinte à la vie de certains de ces produits. Un malaise était né à chaque délivrance de ces produits. Il m’est arrivé de prétexter un appel au fond de la pharmacie pour éviter une délivrance.

Puis est arrivé sur le marché fin 2010 début 2011, la pilule du 5ème jour « Ellaone ». Lors du rangement de cette boite dans le tiroir des comprimés, avec mes collègues, nous nous sommes demandés quelle était son utilisation : pilule utilisable cinq jours après un rapport sexuel. Là, je m’entends encore dire « je ne délivrerai pas cela ». La limite de ma tolérance était atteinte. Notre métier est un service à la vie et à la santé, rappelons-le : selon l’article R 4235-2CSP « le pharmacien exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine ».

Suite à cela, le pharmacien responsable m’a convoqué au bureau pour avoir des  explications. J’ai dit que la délivrance de certains produits était « criminelle ».  Suite à cela, en trois mois, j’ai été renvoyée pour «  faute grave », donc sans indemnités ni délai pour la recherche d’un nouveau travail. Le motif est le suivant : une femme est arrivée avec une ordonnance périmée pour antidépresseurs, elle me demandait un dépannage ; j’ai refusé ce dépannage en lui conseillant de revoir avec son médecin… Bref une aberration, en sachant que le refus comme le dépannage, d’un médicament peuvent être un acte juste du pharmacien. Cet acte repose sur le jugement du pharmacien, en fonction de différents critères : historique, danger, type de pathologie… J’ai demandé à un jeune ami avocat, son aide. Par les lois et courriers successifs entre les deux partis, j’ai obtenus trois mois d’indemnités. Je peux vous dire qu’aujourd’hui encore la justice ne pouvait rien faire face à des procéduriers d’excellence. La justice fut, dans mon cas, une simple manipulation des lois en faveur du plus fort….Je vous en dirai plus une autre fois.

Certes, devant ces délivrances, combien de foi, j’ai eu la tentation de changer de travail ; mais sept ans d’études, c’est un investissement, et c’est un travail que j’aime. Et mon choix est l’officine, pour servir la santé des malades de tous âges. Aujourd’hui, je continue en pensant que ma place est là. Aujourd’hui, je travaille dans une structure où ma position est en partie acceptée. A l’entretien, j’ai demandé de ne pas délivrer les produits abortifs : cela m’a été accordé sans détails procéduriers. Lorsque quelqu’un se présente avec une ordonnance de stérilets, je dis : « voyez avec mes collègues. » Cependant, certains de mes collègues évitent de servir la cliente que je viens de renvoyer. Ce n’est pas si simple dans la vie de tous les jours. D’ailleurs, je délivre toujours la pilule du lendemain avec explications et en m’informant de la date de son cycle.

Bref, la clause de conscience pour les pharmaciens est aujourd’hui devenue indispensable. Mais, sans parler de clause de conscience, aujourd’hui, le pharmacien ne respecte pas lui-même l’article écrit dans le code de la santé publique : R 4235-2CSP « le pharmacien exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine. » Le droit, ou le devoir en lui-même n’est pas respecté.

Publié dans : Pharmaciens, Témoignages