Maman enceinte avec cancer : un médecin refuse la solution de l’avortement

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Il y a un an environ, je recevais à ma consultation de cancérologie, une jeune femme musulmane de 33 ans pour prise en charge thérapeutique d’un cancer du sein avec des métastases ganglionnaires locales. Cette jeune femme débutait son 4ème mois de grossesse et avait 3 enfants. Un 4ème enfant avait survécu quelques jours seulement car atteint d’une grave malformation dépistée pendant la grossesse, et la jeune femme, courageusement, avait refusé l’avortement thérapeutique proposé.

Devant l’importance de l’atteinte cancéreuse, seule une chimiothérapie première devait être débutée rapidement. Un dilemme se posait pour moi : quel type de chimiothérapie ? Comment préserver la vie et la santé de l’enfant ? Fallait-il envisager de « sacrifier » la vie de l’enfant, en proposant un avortement alors que cette patiente l’avait refusé précédemment dans un autre contexte ? Et pourquoi privilégier la vie de la mère plutôt que celle de l’enfant ?

J’ai longuement discuté avec la patiente, lui expliquant les problèmes et lui disant que j’allais faire des recherches pour tenter de trouver une solution qui préserve à la fois sa vie et celle de son enfant, tout en lui signifiant que dans le contexte « du plan cancer » mis en place par le gouvernement, je devais discuter de son dossier en équipe pluridisciplinaire avec mes collègues chimiothérapeutes, chirurgiens et radiothérapeutes.

A la 1ère réunion multidisciplinaire, je présentais le dossier de la patiente, et la réaction immédiate de mes collègues a été : il faut faire un avortement thérapeutique et lui faire ensuite la chimio comportant l’association de trois médicaments : taxotère, endoxan et adriblastine. J’exprimais mon opposition quant à la solution de l’avortement bien que certains de mes collègues me faisaient remarquer que cela ne servait à rien de préserver la vie de l’enfant, car le risque de rechute de sa maman était élevé et on ferait un orphelin ! Malgré cela, je tins bon et m’informais sur les dangers de la chimio… Je pus ainsi découvrir que deux des médicaments recommandés n’étaient pas dangereux pour le fœtus après le 3ème mois de grossesse. La semaine suivante, je représentais le dossier et expliquais la démarche thérapeutique possible : faire 4 cures de chimio avec les 2 médicaments possibles, ce qui nous amenait au 7ème mois de grossesse, puis provoquer l’accouchement, puis faire la chirurgie du sein et terminer par 4 cures de chimio avec le 3ème médicament (taxotère). Mes collègues furent surpris et reconnurent que cette alternative thérapeutique était bonne car le risque de diminution d’efficacité de ce schéma thérapeutique était de l’ordre de 2% !…

Ce traitement fut ainsi réalisé. La maman a accouché d’un beau petit garçon pour lequel on a fait des examens cardiaques en particulier car un des médicaments utilisés pouvait retentir sur le cœur. Il n’a aucune anomalie, se porte et grandit très bien. La maman va aussi très bien et pour le moment sa santé est satisfaisante… J’espère qu’elle ne récidivera jamais de son cancer même si le risque est élevé et l’était quand bien même nous aurions appliqué le schéma classique, c’est-à-dire faire les 4 dernières cures, à la suite des 4 1ères…

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